mardi, janvier 24, 2006

Monsieur Luc Besson.

« Besson veut incarner tout le spectre du cinéma hexagonal, du petit malin au démiurge en passant par le parrain et le poète. Mais cette boulimie souffre toujours de n'être que de surface: Besson grossit, mais ne sera jamais un artiste. Il fait du gras, pas du cinéma: ni assez de cheveux, ni assez de maigreur rigide pour être Philippe Garrel.

Angel-A est donc tout simplement un film con. Il a la connerie prétentieuse, comme si faire du cinéma, c'était accumuler de belles images. Il n'y a aucun plan juste dans Angel-A, rien que des images qui se racontent qu'elles sont belles, telle la marâtre de Blanche Neige se regardant dans son miroir. Et qui toutes, dans cette course effrénée à la poésie visuelle, virent au cliché (les vues sous-marines, le typage des méchants), au revival (singeant le réalisme poétique à la Carné), à la carte postale (vue imprenable sur les ponts de Paris), à la photo de mode (Vogue spécial Besson) et surtout à la pub. Comme si le film finissait par être sa propre bande-annonce. Si bien que Paris n'est pas regardé par Besson, mais vidé de sa substance, nettoyé, ripoliné en un noir et blanc sans épaisseur et sans vibration. Le cinéaste aura, en six mois, fait deux fois mal à «sa» ville: plombant la candidature olympique d'un film indigne, puis l'assassinant dans Angel-A à coups de plans touristico-poétiques.

[…]

Le film est, de plus, insupportable de connerie bavarde. Il ne cesse d'enfoncer les portes ouvertes d'une morale horripilante: connais-toi toi-même, la beauté est intérieure, il faut s'aimer et croire en sa bonne étoile, l'amour est le plus fort... Tout cela débité avec l'air de découvrir la lune, ce qui donne à Angel-A un terrible manque de distance et de justesse. Luc Besson pensait pouvoir s'acheter la marque des auteurs, il n'attrape au vol que la vulgarité des parvenus. »


Ca c’est la critique plutôt acerbe de Antoine de Baecque (dans Libération). Je n’ai pas vu le film, j’aime bien Besson, et en même temps j’aime bien cette critique. Il a tout de même de bonnes choses : Banlieue 13, Taxi, Le Transporteur, Leon, Le Grand Bleu, Subway, et j’en passe. Mais peut-être que son air suffisant agace?


Questionné, à juste titre, par une lectrice sur le pourquoi de ce ton assassin, il répond :


« Le droit à la critique comporte aussi une part pamphlétaire et agressive, qui est selon moi une des nécessités et un des honneurs de la tradition critique à la française. Relisez les textes de François Truffaut dans les années 50, pour ne prendre que l'exemple le plus célèbre. Ce droit au phamplet doit s'utiliser avec parcimonie, évidemment, et j'ai estimé que la prétention de Luc Besson comparée à l'indigence et la niaiserie - la connerie, ai-je écrit, et je le maintiens - de son film justifiait tout à fait cette agressivité. Si «Libération» ne peut plus user de tels arguments, alors qui le fera?

Quant à l'attaque «ad hominem», elle se justifie pour moi au sens où Luc Besson fait d'une certaine manière commerce de son corps, du moins de son apparence, puisqu'il est un homme public surmédiatisé. Et dans le cas de «Angel-a», puisqu'il ne voulait pas montrer son film à la presse, la seule chose à voir de lui d'une certaine façon, c'était cette présence, qu'on peut donc qualifier de grasse, vulgaire, parvenue. Et le film, quand je l'ai vu, était exactement le reflet de cette apparence. Il ne me restait plus qu'à l'écrire, sans ménagement. »

Je lui tire mon chapeau bien bas : il fallait l’oser, dans un pays comme la France, aussi conservateur, fermé, vieux jeux, et qui s’auto glorifie sans cesse de propos chauvins, de mutiler ainsi une de ses figures de proue!

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